Les chemins ruraux sont définis comme « appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune » par l'article L. 161–1 du Code rural et de la pêche maritime. Cette définition négative et leur statut juridique complexe ne facilite pas leur gestion par les communes rurales.
Extrait de PPR Propriété privée rurale , revue mensuelle , numéro 459 page 7 et numéro 463 pages 18 et 19
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Surtout, ne faisant pas partie du domaine public de la collectivité locale, ces chemins ne bénéficient pas de l'inaliénabilité et peuvent donc être acquis par un particulier du fait de la prescription acquisitive. À cet égard, une proposition de loi avait été présentée en début d'année 2016 par un parlementaire. Celle-ci visait à réformer le statut des chemins ruraux, en effet, les nouvelles dispositions devaient modifier les règles applicables à leur protection et permettre leur recensement. Le délai de prescription serait ainsi interrompu pendant une durée limitée à l'occasion de la mise en place de ce recensement par la municipalité. De même, cette proposition devait réformer la procédure de vente, particulièrement lourde, et offrir la possibilité aux communes d'échanger ces chemins. Saisi par des parlementaires, le Conseil constitutionnel a censuré l'ensemble de ces dispositions. Le statut juridique des chemins ruraux reste donc inchangé.
En savoir plus sur :Décision du conseil constitutionnel numéro 2016–737 du 4 août 2016
PPR Propriété privée rurale numéro 459 page 7
Protection des chemins. L'ornière de la constitutionnalité.
Quand nos parlementaires se trompent d'itinéraire ou de monture, la cavalerie constitutionnelle que l'on fait intervenir à l'heure, remet tout le monde dans le droit chemin, ou tout au moins dans le chemin du droit.
Si la loi offre une définition claire d'un chemin rural et de qui en est le propriétaire, la défense de ce droit de propriété nécessitait du point de vue des parlementaires un ajustement inséré dans la loi du 8 août 2016 de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Cet ajustement a été censuré par le conseil constitutionnel dans sa décision du 4 août 2016
Un statut peu protecteur
C'est la loi de décembre 1992 qui a posé la définition des chemins ruraux tels qu'en vigueur encore aujourd'hui à l'article L. 161–1 du Code rural et de la pêche maritime : « les chemins ruraux sont des chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voient communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. » Auparavant classés et répertoriés comme voies communales publiques à la fin du XIXe siècle, leur statut évoluera à la faveur d'une loi de 1959, qui les transfère dans le patrimoine privé des communes.
Cette définition a emporté plusieurs conséquences importantes. Les chemins ruraux ne sont plus soumis aux règles d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine public. Ainsi ils peuvent être vendus notamment après enquête publique par la commune qui en a la propriété. Ils peuvent également tomber sous le coup de la prescription acquisitive ou usucapion. Les articles 2258 et 2261 du Code civil énoncent que « la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l' allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. » Pour ce faire, la possession doit être « continue, et non interrompue, paisible, publique, non équivoque » et le possesseur doit agir à titre de propriétaire. L'article 2272 du même Code précise que la propriété s'acquiert à l'issue d'un délai de 30 ans. Ce délai est ramené à 10 ans si le possesseur est de bonne foi.
Si certains chemins ruraux sont inscrits au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, tous ne sont pas répertoriés, ou voir même connu, de la commune qui en est la propriétaire. Il n'existe par ailleurs aucune obligation de les entretenir, cette tâche ne rentrant pas dans la liste des dépenses communales obligatoires énumérées à l'article L. 2221–2 du Code général des collectivités territoriales. Toutefois, en application de l'article L. 161–5 du Code rural, le maire est chargé de la police et de la conservation des chemins ruraux.
Un ajustement nécessaire
Les articles 76 à 79 de la loi de reconquête de la biodiversité souhaitaient modifier les règles applicables à la protection des chemins ruraux. L'article 76 prévoyait que le recensement des chemins ruraux décidés par le conseil municipal interrompait le délai de prescription pour l'acquisition. L'article 77 suspendait ce délai pendant deux ans à compter de la publication de ladite loi. L'article 78 permettait aux communes d'échanger des parcelles sur lesquelles est établi un chemin rural. Et enfin l'article 79 imposait une révision du plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée PDIPR pour tenir compte du recensement mené par la commune.
Les dispositions censurées semblaient pourtant parées de toutes les vertus. Elles avaient au moins double avantage : inciter les communes à dresser un inventaire de leur chemin et interrompre ou suspendre le jeu de la prescription ; de quoi geler pour un temps toutes velléités d'acquisition, fussent-elles de bonne foi.
Protéger les chemins ne protège pas la biodiversité.
Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 4 août 2016, a censuré les articles 76 à 79 de la loi de reconquête de la biodiversité. Les sages ont estimé que les dispositions relatives aux chemins ruraux ne présentaient pas de lien, même indirect, avec celles figurant dans le projet de loi déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale elle devait donc être déclarée contraire à la constitution.
L'erreur serait de penser le que le Conseil constitutionnel, par sa censure, considère que les chemins ruraux n'ont aucun au rôle à jouer dans la protection de la biodiversité. Or tel n'est pas le sens de sa décision. Les amendements proposés ont trait à la protection de la propriété privée des communes et non à celle de la biodiversité. Les auteurs auraient dû mettre en exergue en quoi la protection des chemins ruraux et leur recensement était un élément favorable à la reconquête de la biodiversité. En l'absence de lien, ces dispositions ont été qualifiées de cavalier législatif et ainsi censurées.
Force est de constater que les défenseurs des chemins ruraux auraient dû « verdir » leur discours pour séduire les sages. À charge pour eux de montrer quels liens directs ou indirects il y a entre préservation des chemins ruraux pour lutter contre leur accaparement par l'agriculture principalement et protection des écosystèmes particuliers qu'ils constituent.
Le jour de gloire s'en est allé
Les chemins ruraux sont retournés à leur sommeil. Satyres endormis, recouverts de mousse et d'herbes folles, de champs de blé ou de haies aux velléités expansionnistes, ils ne seront plus dérangés que par le pas de quelques marcheurs ou les chevaux des tracteurs. C'est d'ailleurs ce qui provoque l'ire d'associations de marcheurs. L'accaparement des chemins ruraux par les riverains est pour eux un fléau et ils voyaient dans ces dispositions un levier de protection bienvenu.
Reste que nos chemins demeurent le jouet des vicissitudes du temps et troqueront peut-être, à l'occasion, le rythme des saisons pour celui de la vie parlementaire. S'ils ne méritent pas une loi, ils méritent tout de même un peu d'attention.
ci dessus reproduction à l'identique des textes "revue du monde rural PPR"
459 page 7 et 463 pages 18 et 19