Description par Robert Etienne des sarcophages de Saint-Médard-d 'Eyrans visibles au musée du Louvre

Ces deux sarcophages sont visibles au Louvre (télécharger ce document d'archives)

Extrait de «  Histoire de Bordeaux » publié sous la direction de Ch Higounet
Tome 1 Bordeaux Antique Robert Etienne 1962


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Le plus bel exemple de l'influence artistique  méditerranéenne vient des deux sarcophages de Saint-Médard-d'Eyrans (longueur 2 mètres, hauteur 1 mètre, largeur 0,60 mètre.).

De riches propriétaires terriens, dans la  première moitié du III° siècle ont désiré posséder de leur vivant, dans leur somptueuse villa, le réceptacle de leurs futures dépouilles mortelles. Il suffirait à leur mort de modeler à leur image les visages simplement épannelés d'Endymion et de Séléné sur l'un, d'Ariane sur l’autre. Dans ce dessein ils firent venir de Rome deux cuves en marbre de Paros, qui avaient reçu, du ciseau d’un artiste grec émigré dans la capitale, une somptueuse décoration symbolique, éloignée de tout poncif dans les détails de sa conception comme dans ceux de son exécution.


Sur le sarcophage d'Endymion et de Séléné, le jeune pâtre est à demi couché au milieu de son troupeau. Il a revêtu le costume de chasse et tient deux épieux. Auprès de lui, s’avance Hypnos, le sommeil, qui vide dans son esprit une corne pleine de songes. Deux Amours nus tenant une torche allumée éclairent la scène; J'un d'eux amène, vers le berger, Séléné descendant du bige ; les chevaux attelés au char de la Lune sont cabrés ; un Amour ailé qui brandit une torche ne peut retenir ses fougueux coursiers. Seule Aura , la brise, arrête leur élan en passant une lanière autour du front de l’un d’eux. Un vieux berger, compagnon d'Endymion entouré de ses chèvres, regarde, interdit, la scène. Deux nymphes des sources, deux petits génies, aident à localiser la scène à Latmos en Carie ( Asie Mineure). On reconnait enfin Cybèle étendue sous les jambes des chevaux.


Le thème du sarcophage de Dionysos et d’Ariane représente l'instant pathétique de la découverte d’ Ariane endormie, à demi couchée, le haut du corps nu ; Dionysos adolescent quitte le char, appuyé sur un petit faune ; d’un geste de la main il marque son étonnement de découvrir pareille beauté et impose silence à une Ménade, qui s'époumone à jouer de la double flûte. Participent d’ un regard amusé à la naissance de l'amour d’ils devinent chez le jeune dieu, une Ménade jouant de la lyre et un Satyre nu tenant un Satyreau et une biche. Le reste du sarcophage est occupé par le thiase bacchique, qui se déroule avec un entrain endiablé, au son d’instruments de musique. Seul, le couple du Centaure et de la Centauresse attelé au char de Dionysos, et Sémélé, étendue dans le coin gauche s’opposent par leur calme au cortège chaotique qui s'abandonne aux plaisirs des sens. De petits personnages comblent les espaces libres entre les acteurs de la scène.
Malgré cette horreur du vide, quel art de la composition, alliant la symétrie des figures et la souplesse des attitudes! Lignes verticales et obliques alternent avec bonheur sur le premier sarcophage, non sans une certaine raideur, qui disparaît sur le second. Ce géométrisme s'oppose au pathos qui règne sur l'ensemble des représentations: chevaux cabrés du char de Séléné, effort d'Aura pour les maîtriser, ronde bruyante du thiase bacchique, poursuite d'une Ménade par un Satyre. Certes, l'œil se perd au milieu des détails traités avec minutie; un véritable maniérisme envahit l'art romain; les plans se succèdent par étagement, encore que l'artiste ait conservé un certain sens de la perspective. Même si nous ne pouvons oublier l'abus du trépan pour traiter les chevelures, nous avons là le témoignage du goût de ces propriétaires viticulteurs de la première moitié du III° siècle pour l'art de leur époque, de la sûreté de leur choix, qui les a portés vers des pièces de très grande qualité et la preuve de la pérennité de l'influence gréco-romaine dans le territoire des Bituriges Vivisques juste au moment où les Sévères élèvent les Piliers de Tutelle dans le style gréco-oriental et africain.

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