La Cour administrative d'appel de Bordeaux s'est installée dans l'hôtel Nairac, entièrement restauré, le 23 décembre 1999. voir son histoire
Extrait page 111 de l'ouvrage de Florence Mothe : " Lieux symboliques en Gironde , trois siècles de franc-maçonnerie à Bordeaux" éditions Dervy
La famille Nairac
Très impliqué dans le milieu de la religion prétendue réformée, le peintre Joseph Boze (1745–1826) réalisant en 1786 le portrait de l’armateur bordelais Pierre Paul Nairac dont l’épouse, originaire des Cévennes comme celle du peintre, de transiger guère sur le chapitre du protestantisme. Le choix de l’artiste n’est pas indifférent quand on connaît l’implication de Nairac dans les affaires financières et politiques qui sort donner autour de Jacques Necker, son initiation bordelaise, et le rôle que joua ultérieurement Boze, pour les mêmes raisons, durant la période des Tuileries, multipliant les messages entre Louis XVI, Marie-Antoinette et ses amis de la Gironde.
C’est en 1775 que Pierre Paul Nairac fait réaliser par son Frère Victor Louis le somptueux hôtel du 17 cours de Verdun. Cet immeuble, devenue aujourd’hui la cour administrative d’appel, ce qui le rend accessible au public, frappe par la vitre virtuosité de ses conceptions architecturales dont l’élégance doit tout à l’utilisation maîtrisée des volumes est un éblouissant usage de la stéréotomie. Mais une rigueur toute protestante, volontairement très néoclassique, tranche sur les ornementations utilisées d’ordinaire par Victor Louis qui réalise ici une épure souveraine uniquement inspirée par l’équerre, le compas et la truelle.
La rigueur huguenote de Pierre Paul Nairac taquinait déjà l’esprit du capitalisme. C’est ainsi que sa maison de négoce réalisa de 1764 à 1792 30 % de la déportation des Noirs dans les colonies à la même époque. 4189 Noirs furent expédiés par l’armement Nairac dont 14 navires effectuaient des rotations complètes entre les côtes d’Afrique et d’Amérique.
Le terrain sur lequel est édifié l’hôtel Nairac fut acquis pour 33000 livres en 1775 et les travaux, confiés par Victor Louis à l’entreprise des frères Laclotte furent terminées en août 1777 pour un coût total de 200000 livres.
La somptuosité très moderne de l’hôtel qui l’apparente au style de Claude Nicolas Ledoux tranche sur les autres réalisations de Louis. Il s’inspire de la Rome de Piranèse et offre une merveilleuse leçon de « retour à l’Antique ». C’est dans le quartier Sainte-Croix qui était installé les deux grandes raffineries sucrières de Pierre Paul Nairac.
Sa « maison des champs » se situait à Barsac. Elle est aujourd’hui la propriété de Madame Nicole Tari, qui a accepté de l’ouvrir au public dans le cadre des routes Montesquieu. Ce ravissant domaine a été construit par Mollié, collaborateur de Victor Louis, et ses plans sont conservés avec le fameux « portefeuille de Louis ». Sa construction fut achevée en 1786, ainsi que ses jardins connus aujourd’hui sous le nom charmant de « jardin des vignes » car le château Nairac est également un deuxième grand cru dans la classification de Barsac en 1855.
Ces deux immeubles, parfaitement conservés, restitue l’atmosphère à la fois pleine de rigueur et de faste qu’affectionnaient les familles de riches négociants huguenots bordelais à la veille de la Révolution française.