Ci-dessous extrait texte de la page 162 de l'ouvrage de Florence Mothe : « lieux symboliques en Gironde, trois siècles de franc-maçonnerie à Bordeaux » éditions Dervy.
L'imposant hôtel Fenwick qui fait l'angle du quai des Chartrons et du pavé des Chartrons, aujourd'hui cours Xavier Arnozan, fut construit par Jean-Baptiste Dufart, élève et collaborateur de Victor Louis dans son agence du cours du Chapeau-Rouge de 1795 à 1799. Il fut le siège du premier consulat des États-Unis ouvert dans le monde et installé par Georges Washington à Bordeaux en remerciement de la part prise par la ville dans la guerre d'Indépendance. La somptuosité de cet immeuble néoclassique, dont la retenue évoque irrésistiblement les palais romains, témoigne de la relative faveur que connut l'architecture bordelaise sous la Révolution où maints édifices furent commandés par de riches négociants préférant investir dans la pierre plutôt que d'être soumis aux dévaluations successives de l'assignat.
Dufart, qui était un adepte des idées nouvelles et qui s'était fait remarquer pour ses dessins d'utopie, sa participation aux différentes fêtes révolutionnaires, et son art des architectures éphémères en usage à l'époque, fut un des principaux architectes en vogue. C'est ainsi qu'il construisit le Théâtre français et pris, en tant qu'ingénieur de la ville, une part active à l'édification des immeubles bordant l'hémicycle des Quinconces.
Son appartenance à la franc-maçonnerie lui facilita, peut-être ses contacts avec Joseph Fenwick (1762–1849), originaire du Maryland, qui était négociant en vins et spiritueux, et que Washington choisit pour être consul à Bordeaux.
En 1790, Fenwick devint même vigneron exploitant une propriété qui dépendait de l'ancienne chartreuse et dont le vignoble s'étendait non loin de l'église Saint-Bruno. Il épousa deux ans plus tard une française, Catherine Éléonore Mémoire avec laquelle il eut un fils qui s'établit également à Bordeaux. Le château Suau à Capian, propriété viticole qui leur appartint également, est pour la première fois ouverte au public dans le cadre des Routes Montesquieu( voir Voix rebelles).
La beauté de l'hôtel Fenwick réside dans la majesté de ses volumes et dans l'usage d'amples cheminées de marbre blanc et de gypseries délicieuses représentant un peuple de Putti occupés à des travaux agrestes.
Les deux belvédères qui dominent les toits d'ardoise rappellent l'usage régulier de ces édicules sur la toiture des maisons de négoce bordelaises où il était courant d'observer l'arrivée des navires dans le port.
Crédit photo : Fabien.lotte - Sous licence Creative Commons 3.0