Article juri-pratique : Le point sur les drones: quand la curiosité devient gênante !

CODE PPR Code fr Le point sur les drones : Texte extrait de la revue PPR Propriété Privée Rurale  numéro 462 page25, 26 et 27

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Quand la curiosité devient gênante


En anglais drone signifie, « faux bourdon ». Petit, bruyant, qui ne pique pas… mais capable de réaliser des prises de vues aériennes des lieux qu'il survole. En principe « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous » conformément à l'article 552 du Code civil. Pourtant le développement des aéronefs sans pilote à bord vient contrarier la tranquillité, mais surtout, le droit des propriétaires. C'est un combat entre ciel et terre qui impose de concilier les intérêts de chacun.


Le drone est un aéronef capable de voler et de réaliser une mission sans personne à bord. Cet engin, dont l'usage de cesse de croître, voit son panel d'activités se diversifier largement. Elles s'étendent de la surveillance des cultures agricoles, aux films de manifestations sportives, en passant par les radars et le drone de loisir.


Un secteur en plein essor
Si, en novembre 2012, 90 opérateurs étaient déclarés, en décembre 2016, le  ministère de la Transition écologique et du Développement en dénombrait 3200.
La France reconnaît l'intérêt économique certain de la filière. Dans un communiqué, en date du 18 juin 2013, le ministre chargé du Transport énonçait que nous sommes « le premier pays au monde à avoir autorisé les drones civils à évoluer dans son espace aérien ». Cette position conduite à partager le ciel.


Le droit des transports autorise le survol des propriétés
La législation relative à ces aéronefs civils, se rattache au type d'activité qui est exercée par le télé pilote (la personne qui réalise le vol pour le compte de l'exploitant) puis en fonction de la masse et de la zone survolée, la réglementation diffère.
L'article trois de l'arrêté du 17 décembre 2015 classe les activités en trois catégories :
(C'est l'arrêté relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent).


*L'aéromodélisme : utilisation de loisir ou de compétition ;
*l'expérimentation : mise au point ou développement des engins ;
*les activités particulières qui sont les autres activités, qu'elles donnent lieu ou non à une transaction commerciale.


Il existe quatre scénarios différents selon la zone peuplée ou non, la présence de tiers au sol, la distance entre le drone et l'utilisateur…
Quelle que soit la catégorie, l'article L. 6211–3 du Code des transports, énonce le principe selon lequel « le droit pour un aéronef de survoler les propriétés privées ne peut s'exercer dans des conditions telles qu'il entraverait l'exercice du droit de propriétaire. » [C. Aviat., Article L. 131–2]. »
Cet article, considéré comme le plus protecteur du droit du propriétaire, contient en son sein l'autorisation de survol d'une propriété, dérogation à l'article 552 du Code civil…

Où commence l'entrave à l'exercice du droit de propriété ?  Pour le propriétaire, le simple passage physique au-dessus de son terrain constitue une entrave. Pourtant, au regard de la réglementation du Code des transports, seule l'entrave au respect à la vie privée ou aux droits à l'image sera appréciée. En effet en observant les contours de la législation, le survol d'une propriété par un drone légale. L'article L. 6211–1 du Code des transports, prévoit que « les aéronefs peuvent circuler librement au-dessus du territoire français ». Même si l'autorisation du propriétaire est toujours préférable, elle n'est pas requise en dehors d'une agglomération. C'est pourquoi, en zone rurale, certains télé pilotes se sentent légitimes à surplomber une propriété privée sans autorisation du propriétaire, comme pourrait  le faire un pilote d'avion ou d'ULM. Cette comparaison reste cependant limitée puisque le drone, petit et docile, ne fait pas que passer : il a vocation à rester sur place à basse altitude, pour contrôler, surveiller, filmer… c'est cet aspect qui peut rendre sa présence gênante contrairement aux autres aéronefs.


La législation le concernant répond à des problématiques de sécurité entre usagers du ciel et de protection des personnes au sol. Les propriétaires ne disposent pas de prérogatives correspondant un empiètement par le dessus du fond, telle que celle énoncée à l'article 673 du Code civil permettant à un propriétaire de demander l'élagage des branches d'arbres qui déborderaient sur son terrain.


La législation relative aux drones : précises et complexes.
L'utilisateur du drone n'est pas exempt de règles, bien au contraire. La réglementation est précise et ne cesse de s'étoffer. Des autorisations particulières doivent être demandées en fonction de la masse, de la zone peuplée ou non et de la distance entre le télé pilote et le drone… une articulation complexe de règles qu'un usager doit respecter. À titre d'exemple, un exploitant, c'est-à-dire la personne physique ou morale responsable des opérations, doit déclarer son activité à la DGAS (Direction générale de l'Aviation civile) et renouveler sa déclaration à chaque modification de son activité et de manière systématique tous les 24 mois. Le télé pilote doit être titulaire de certificat d'aptitude, de licence selon les modèles de drones utilisés…


En cas de survol d'une propriété par un drone.


Ce qu'il faut savoir :
---1. Le vol de nuit est interdit. Si un drone est surpris au-dessus d'une propriété la nuit, l'utilisateur est en infraction.
---2. Avoir  à l'esprit la zone dans laquelle se trouve la propriété au regard de la carte interactive qui indique les lieux soumis à interdiction ou à restrictions sur le territoire. Elle a été réalisée avant tout pour les utilisateurs de loisir mais elle peut aussi servir aux professionnels. Si la propriété est recouverte en rouge, alors son survol est interdit
(http : //www.geoportail.gouv.fr/données/restrictions-pour-drones-de-loisir).


Cette carte prend en considération :
*les zones qui ont un accès réglementé ou interdit, pour sécuriser des sites sensibles tels que des centrales nucléaires, terrains militaires, monuments historiques, hôpitaux, prisons, parcs nationaux, réserves naturelles, etc. ;
*celles qui ont une activité aérienne particulière (exemple : trafic militaire, activité le largage de parachutistes, etc.) ;
*en agglomération, le vol est interdit dans l'espace public. Les limites des agglomérations doivent être comprises au sens du Code de la route, soit un "un espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis  rapprochés et dont l'entrée et la sortie sont signalés par des panneaux placés à cet effet le long de la route qui le traverse ». Un lieu-dit n'est pas considéré comme une agglomération au sens du Code de la route. Pourtant cette interdiction de survol des agglomérations a été s'est décidée pour des raisons de sécurité liée à la présence de personnes. Un lieu-dit qui regroupe plusieurs habitations pourrait être sujet au même risque…


Pour les activités d'aéromodélisme, l'autorisation du propriétaire permet de survoler sa propriété dans le respect des règles de hauteur.


Pour les activités particulières, le survol des agglomérations nécessite quant à lui une autorisation préfectorale.


---3. Le survol de tiers : il peut être autorisé spécialement, ou alors, pour la majorité des cas (aéro modélisme et la majorité des activités particulières), le vol est  conditionné par l'absence de tiers au sol, c'est-à-dire qu'aucun tiers (personne étrangère à la mission) ne peut être survolé à moins d'une distance horizontale minimale fixée par la réglementation. Soit une distance d'un rayon de 30 m à partir du point au sol au-dessus duquel se trouve le drone.


---4. Le propriétaire sera responsable du dommage qu'il cause à l'aéronef au-dessus de chez lui. Il faudra, certes, démontrer la faute, mais en cas de destruction ou détérioration (plomb dans l'aile par exemple…), ce ne sera pas compliqué, d'autant que la particularité des biens immobiliers étend la fixité, il sera aisé de retrouver le responsable, soit le propriétaire. Tandis que le télé pilote, quant à lui très mobile et dont l'identité n'est pas toujours évidente à relever, sera responsable des dommages qu'il cause un propriétaire sans qu'il y ait besoin de démontrer la faute.


Ce qu'il faut faire.
---1. Il est nécessaire de regarder si la propriété est couverte par une interdiction sur la carte concernant le vol des drones de loisir. Si elle l'est, le survol est interdit pour les utilisateurs ayant une activité d'aéromodélisme.
---2. Si la propriété est partiellement recouverte par l'interdiction ou alors s'il s'agit d'une activité particulière par un télé pilote professionnel, l'usage et la bienséance nécessiterait l'accord du propriétaire pour survoler une propriété. Toutefois il n'est pas explicitement écrit dans le Code que le propriétaire doit donner son accord. Il est noté dans le guide des activités particulières de la DGAC qu'il faut, en « cas de doute, se coordonner avec lui ».
---3. Apprécier la gêne, soit la hauteur du vol : un vol à 30 m de hauteur ne provoque pas le même sentiment de nuisances qu'un vol à 80 m. De la même manière, selon qu'il s'agisse de survol d'un champ ou d'un jardin, la nuisance sera vécue différemment.
---4. Si le télé pilote n'est pas inconnu, il est préférable de lui demander, dans un premier temps, de cesser le vol au-dessus du terrain concerné, tout du moins convenir avec lui d'atténuer le trouble (en concédant le survol de la propriété, mais plus loin de la maison d'habitation par exemple). En cas de refus, il appartient au propriétaire de signaler ce fait aux services compétents  de sécurité publique (police ou gendarmerie nationale) du secteur géographique du domicile en question, afin que ceux-ci constatent les faits.
Ils pourront procéder au contrôle de la régularité du vol et de l'activité en se reposant sur le décret correspondant. La législation est si précise qu'un télé pilote de loisir n'aura probablement pas rempli toutes ses obligations, notamment les distances à respecter entre l'aéronef et l'utilisateur, maximum 200 m environ. En revanche, les professionnels, pour protéger leur outil de travail, seront certainement plus pointilleux. Ils doivent s'assurer, avant chaque vol, aucune personne ne pourra être survolée par le drone pendant l'opération. Dans le cas contraire, il contreviendrait aux dispositions de l'article 3.7 de l'arrêté  " Conception » du 17 décembre 2015.


Les forces de l'ordre constateront aussi, s'il le peuvent, le trouble causé à la vie privée ( survol bas, bruit, dérangements, régularité de l'atteinte, prise de vue de la propriété ).
L'atteinte au respect de la vie privée est d'ailleurs le seul fondement sur lequel le propriétaire pourra s'appuyer pour faire cesser le trouble. Il ne peut pas évoquer l'irrespect du droit de propriété privée. L'article L. 226–1 du Code pénal protège le respect au droit à la vie privée, et « est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, de volontairement porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui », mais cet article concerne la diffusion d'images. Ainsi la prise de vue non commerciale reste autorisée en principe, sauf à démontrer l'irrespect de la vie privée si les images circulent. Finalement, le meilleur moyen de protéger sa propriété est la présence d'une personne sur son terrain puisque le survol d'un  tiers est interdit, ce qui place le télé pilote en situation d'infraction. À cela s'ajoute le trouble au respect de la vie privée. Ce sont sur ces deux fondements que le propriétaire peut agir pour constituer un paravent limitant les atteintes au respect de la propriété privée.


Le drone passe au-dessus des prérogatives du propriétaire, mais peut entrer en collision avec d'autres protections.
PPR numéro 462 page25, 26 et 27

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