Moins connu, Montesquieu bienfaiteur de ses “tenanciers les plus pauvres”...
Confronté à la misère croissante des classes populaires, il illustre parfaitement une étape du passage de la “bienfaisance privée” à la “bienfaisance publique”, à la veille de la Révolution, dont la misère a été une cause essentielle, misère que la Révolution et les régimes suivants ne sont pas arrivé à résoudre.( texte Jacques Clemens dans " les Nouvelles de la vallée du Ciron " numéro 536 )
Article (55 pages in-4°) : bulletin en souscription de la Société Archéologique et Historique de l'Albret : par Jacques Clémens, Montesquieu “bienfaiteur” de la terre de Montesquieu, en 1751. Témoignages inédits des Latapie père et fils en 1759. ( archives du descendant de François de Paule Latapie, notaire de Montesquieu)
Pour en savoir plus sur François de Paule Latapie sur le site Internet de la Mairie de La Brède
portrait dans le bureau de M. Michel Dufranc , maire de La Brède
Un homme dans le siècle des lumières
Une rue de La Brède porte son nom et les Brédois savent généralement qu’il est le fondateur de la fête de la Rosière, les volontés qu’il laissa en ce sens, en Juillet 1823, ayant souvent été rappelées dans les programmes de la fête. C’est bien peu concernant un homme qui fut un grand voyageur, un scientifique, un traducteur, un professeur, un témoin de la vie et de l’économie régionales, un archéologue et un bibliophile passionné. Fils de Pierre LATAPIE, notaire à La Brède (1) et de Thérèse BERTHONIEU, François de Paule LATAPIE naît à Bordeaux le 8 Juillet 1739. De son enfance et de sa jeunesse passées à La Brède, on ne sait que peu de choses sauf que, par suite des rapports constants entre sa famille et celle de Montesquieu, François de Paule LATAPIE fut, tout jeune, admis dans l’entourage du célèbre philosophe. Il a 15 ans à la mort de Montesquieu. Attiré vers les sciences par son caractère sérieux et appliqué, il étudie, en plus des langues anciennes et du droit, la botanique, la minéralogie et la médecine ! Il a pour professeur le chirurgien-major de l’hôpital de Saint André, Jean DUPUY, qui lui demande de traduire de l’anglais les explications des planches d’un ouvrage très côté sur les accouchements. François de Paule LATAPIE se rend à Paris en 1767. Exerçant la profession d’avocat au parlement de cette ville, il met son séjour à profit pour suivre les cours de savants célèbres comme l’abbé NOLLET, François de ROUELLE, Antoine PETIT ou encore Bernard de JUSSIEU. Toute sa vie, il resta très lié avec le fils de Montesquieu, Jean Baptiste de Secondat.
En 1770, François de Paule LATAPIE effectue un voyage en Angleterre. Bien qu’élu membre de l’Académie de Bordeaux (1773) et nommé Inspecteur général des Arts et Manufactures de Guyenne (1774), il poursuit ses voyages et visite l’Italie, la Sicile, les îles Lipari, l’île d’Elbe en 1775. C’est là qu’aidé de quelques notes d’un architecte romain commentateur de VITRUVE, il découvre dans une carrière au bord du Golfe del Campo, de superbes colonnes de granit taillée par les Pisans au XIIème siècle et laissées dans la carrière depuis cette époque.
Sur le chemin du retour en France, François de Paule LATAPIE rencontre VOLTAIRE dans sa maison de FERNEY. A Bordeaux, il publie divers ouvrages de botanique, dont un « Art de former les jardins modernes », inspiré de ce qu’il avait vu lors de son voyage en Angleterre. Chargé par l’intendant de Guyenne DUPRE DE SAINT MAUR de « former un champ pour la synonymie de la vigne », LATAPIE étudie très sérieusement les innombrables variétés de vignes cultivées dans la région, leurs origines, leurs hybridations. C’est l’époque où il donne gratuitement des cours de botanique et s’occupe du petit jardin de plantes de l’Académie de Bordeaux, dont il publie un catalogue en 1784. Cette même année, il entreprend une « tournée d’inspection » assez courte à travers la Gironde et, en 1785, entreprend un périple plus long entre CONDOM (Gers) et NONTRON (Dordogne), visites qui donnent lieu à un épais rapport de 300 pages qui détaille l’économie de la province. Nommé, outre ses autres fonctions, juge conseiller au tribunal de l’Amirauté de Guyenne en 1788, François de Paule LATAPIE connaît une existence très active mais discrète, continuant à écrire des articles d’agronomie.
Survient la Révolution ; privé de ses charges et donc de moyens de subsistance, François de Paule LATAPIE vend au département la partie scientifique de sa bibliothèque, son herbier (5000 planches ordonnées !), ses collections de minéraux (laves du Vésuve et de l’Etna, d’Auvergne, minerais de l’île d’Elbe, etc...) et de coquillages... qu’il aura mission d’entretenir, après avoir été nommé professeur de botanique en décembre de la même année ! 1792 le voit acheter une échoppe Rue Monbazon et y accueillir sa jeune épouse de 25 ans, Louise-Marie MENOIRE (lui-même a ... 52 ans). Inculpé le 7 Prairial an II (26 Mai 1794) pour ses sympathies avec les Girondins, suite à une dénonciation, il en est quitte pour la peur et retrouve sa fonction de professeur de botanique avant d’être nommé, en 1796, professeur de langues anciennes à la toute nouvelle « Ecole Centrale » de Bordeaux, tout en conservant la direction du jardin botanique. Passée l’agitation révolutionnaire, sa vie retrouve le calme, assombrie toutefois par la disparition de sa femme en 1804. Ils n’ont pas d’enfants. Président de la Société des Sciences, Arts et Belles Lettres, François de Paule LATAPIE intervient encore dans le transfert du jardin botanique, l’organisation de la pépinière départementale, enseigne la littérature grecque à la toute nouvelle Faculté des Lettres et aide enfin MONBALON à classer les livres de la bibliothèque municipale de Bordeaux. Il meurt au 7 Rue Mautrec, le 30 Septembre 1823, quelques semaines après avoir institué la fête de la Rosière pour établir, d’une manière authentique et publique, la vénération et le respect qu’il a pour le nom d’un homme dont le génie a illustré son lieu de naissance, La Brède et sa patrie. (1) -
La famille serait originaire du Quercy et le grand-père de François de Paule serait le premier LATAPIE à s’être installé en Gironde, ayant suivi Jacques de Secondat, père de Montesquieu