Par Philippe Delpech , retraité INRA et Françoise Delpech Zoo archéologue, Directeur de Recherche au CNRS honoraire.
La Vierge à l'enfant, dont l'état nous préoccupe, est l'élément central du retable de la chapelle nord-est de l'église de Saint-Morillon. On ne peut pas dire que cette œuvre, dans sa modestie, soit de nature à "tirer l'œil" dès l'entrée de l'église. C'est à un autre niveau qu'il faut placer l'intérêt de cette statue. Celle-ci, avec l'armoire eucharistique datée elle aussi du 14ème siècle, constituent les éléments mobiliers les plus anciens de l'église. Ce sont des éléments archéologiques du Moyen-âge ; rien qu'à ce titre, ils méritent protection.
Cette nécessité de préservation peut être abordée sous un jour plus immatériel. Le culte voué à Marie est particulier et extrêmement important dans la religion catholique. Il n'est pas besoin d'un grand effort pour imaginer les générations de Saint-Morillonaises et, sans doute plus accessoirement, de Saint-Morillonais qui sont venus se recueillir devant cette statue et lui confier leurs joies et, plus certainement, leurs peines. Cette charge émotionnelle participe à la valeur patrimoniale de la statue.
On peut aussi évoquer les personnages prestigieux qui ont eu connaissance de cette représentation de la Vierge : Montesquieu évidemment mais, de sa part, on est en droit de douter d'un culte à Marie. La chose est plus sûre concernant Jeanne de Lestonnac, épouse de Gaston de Montferrand-Landiras, Dame de la Motte Darriet à Saint-Morillon et fondatrice de la compagnie Marie Notre Dame . Il y a peu de chances de se tromper en disant que, lors de ses passages ou séjours à Saint-Morillon, c'est tout particulièrement devant cette statue qu'elle s'est recueillie.
Doit-on parler d'une œuvre d'art ? ou de piété ? On retiendra surtout qu'elle est datée du 14ème siècle, époque troublée s'il en est ; époque de la guerre de 100 ans, époque du Prince Noir, de du Guesclin, des épidémies de peste, des crises frumentaires, des Jacqueries, des "chevauchées" et des "compagnies" qui ne laissaient que ruines et misère sur leur passage. Que la Vierge à l'enfant de Saint-Morillon soit contemporaine de ces événements amène aussi à lui accorder un regard particulier.
Il semble de notre devoir de sauver de la ruine cette œuvre en place dans notre église depuis près de sept siècles.