Les clochers néogothiques en Graves Montesquieu d'après Jean-Pierre Meric et la vie du cardinal Donnet par Marc Agostino

 Ci après , 2 résumés de conférences

Clochers néogothiques  par JP Méric

et histoire de Donnet par Marc Agostino

 

CLOCHERS NÉO-GOTHIQUES EN GIRONDE.

Christiane ESPEUT-Guillemot d’après une conférence de Jean Pierre MERIC

Texte libre d'après des notes et extraits de la conférence tenue par Jean Pierre Meric (jp-meric@wanadoo.fr) à Bordeaux le 17 janvier 2011, dans le cadre de l'association " Ars et Fides Bordeaux" qui propose des conférences ouvertes à tout public, une fois par mois ; 05 57 22 10 64 ; artsetfidesbx@hotmail.fr .
"Arts et Fides" est une association au service des visiteurs des monuments religieux ; les bénévoles les accueillent dans les lieux chrétiens pour les aider à en découvrir le sens.
JP Meric, enseignant retraité, écrit aussi dans de nombreuses publications dont le Bulletin de la Société de Borda et la Revue Historique de Bordeaux.

 

armoiries_donnet_fr

C'est sous l'influence du cardinal Donnet qu'au XIXème siècle, on assiste en Gironde à une transformation radicale des paysages avec la montée vers le ciel de nombreux clochers pointus. On prête à Haussmann lui même (préfet de la Gironde de 1851-1853) cette adresse à l’archevêque de Bordeaux : «Notre département, Monseigneur, ressemblera d’ici peu à un hérisson ! ».
Ces constructions de clochers et d'églises sont sans aucun doute des actes de foi, car la foi se manifeste alors partout en France, expliquant ce zèle de construction des "maisons de Dieu au-dessus des maisons des hommes". Du propre aveu du cardinal, ce sont 310 églises, 100 clochers, 30 presbytères (et un grand nombre de chapelles) qui seront ainsi démolis, transformés, rebâtis, rénovés, sur les 605 églises que comptent les 554 communes de Gironde.
Le canton de La Brède n'y échappe pas : 11 églises seront ainsi modifiées sur les 14 édifices que comptent les 13 communes. A cause de ses finances trop modestes, Saint-Morillon garde son clocher mur roman (XII° siècle), malgré un projet bien avancé de clocher gothique.

De 1840 à1890, c'est aussi une époque de grande prospérité sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire, à son faîte en 1860. On construit des châteaux à la campagne (le château de Grenade à Saint-Selve, par exemple), de grands hôtels particuliers en ville.

L’accroissement du nombre des habitants est remarquable: 22% d'augmentation dans le canton, entre 1817 et 1876, tandis que dans la même période la densité de population augmente de 52% dans les communes de la lande (Saucats et Cabanac).
En Europe, 187 millions d'habitants au début du XIXème siècle, 266 millions en 1850, 480 millions en 1900. Malgré l'ambiance anticléricale durant le dernier quart du XIXème siècle, on constate la reconstruction par milliers d'églises de village.

Donnet, prélat démolisseur ?

Sa conclusion après sa visite de 1844 à 1850 des 563 églises dont il a la charge et dont il a réclamé pour chacune un inventaire, complétant ainsi celui de l'abbé Baurein est sans appel : "On succède à plusieurs siècles de dégradation et d'incurie ! "
Les conseils de fabrique en charge des églises constatent évidemment eux aussi le délabrement des lieux de culte et rêvent de participer à cette évolution.
Son pontificat n'a donc pas été aussi désastreux qu'on l'a dit pour les églises de Gironde !
Certes, en 1825, Montalembert crie " halte aux démolisseurs" et fait éditer " le Vandalisme en France". Mais nous surprend-il vraiment quand il précise qui sont les vandales, qu'il nomme soit des vandales "destructeurs", soit des vandales "réparateurs".
Pour lui, ce sont : le gouvernement, les maires, les conseils municipaux, les conseils de fabrique, les curés...
S'attendait-on vraiment à voir cités les émeutiers d'une folie révolutionnaire bien lointaine ?


Donnet, prélat bâtisseur ?

On démolit donc beaucoup, mais on réutilise les matériaux tout de suite après pour reconstruire. De très nombreux ouvrages comme celui de Raymond Bordeaux , " Traité de réparation des églises", sont édités. De grands noms d'architectes parviennent jusqu'à nous et ceux ci ne semblent pas avoir été en panne d'inspiration. Les architectes ont pu être appelés des " diables", des « monstruosités » car le changement des architectures avec ces toits pointus est radical.

A Saucats, Ayguemorte-les-Graves, Cabanac-et-Villagrains, on trouve Jean-Jules Mondet (1834-1919). Il aura couvert 21 chantiers au cours de sa vie !
A La Brède, interviennent Léon Drouyn (fils de Léo) et Gustave Alaux.
A Saint-Médard-d'Eyrans, encore Gustave Alaux pour la reconstruction avec clocher pignon agrandi.
A Cadaujac, Saint-Morillon et Léognan, on retrouve Amédée Lasmolle.
A Léognan aussi Jean Baptiste Lafargue, avec les recommandations de Viollet-le-Duc qui cite l’église de Léognan comme un exemple du principe de reconstruction romane. Elle a été presque entièrement reconstruite en 1852 après avoir servi de temple à la déesse Raison pendant la Révolution, qui avait également transformé la sacristie en prison.
A Beautiran, le clocher de 1864 a été choisi de forme ovoïde par l’architecte Gustave Alaux. L’abbé Dufau, curé de Beautiran, écrit au cardinal Donnet que le clocher est terminé: «Tous les connaisseurs des ouvrages d’art lui donnent la préférence sur les clochers voisins».
A Martillac restauration menée par Alaux. Le clocher néogothique a été construit en 1880.


Donnet, inspirateur ?

"La foi s'exprime aussi par la tradition, pas uniquement l'écriture".
"Les églises ne sont pas faites pour l'archéologie, mais pour prier et honorer Dieu"
Concernant les décorations intérieures, le cardinal Donnet tente d'inspirer leur rénovation, les préférant moins voyantes, parle de contresens choquant des peintures vives, de fautes de goût des boiseries (retables aux couleurs trop vives).
Il souhaite aussi moins de clarté, une atmosphère plus sombre propice à la prière. Car le goût de l'époque (1850) marqué par le flamboiement de "La Vie Parisienne", "le Quadrille des Lanciers" ne recule devant aucune exagération...

Donnet, démolisseur ? bâtisseur ? inspirateur de génie ? La polémique, vivace à l'époque, existerait-elle encore aujourd'hui ? à chacun de conclure, en visitant ces monuments.
Car "l'histoire des églises est aussi notre histoire".

Photos de haut en bas:
Saint-Jean-d’Etampes de La Brède
Saint-Maurille de Saint-Morillon
Saint-Martin de Léognan
Saint-Michel de Beautiran.
(Photos SIGM)

 

 


LE CARDINAL DONNET restaurateur des églises en Gironde, rapide biographie :

Né 16 novembre 1895, petit-fils et arrière-petit-fils de chirurgiens, il intègre le séminaire à Lyon, qu’il quitte en fin d' études à 18 ans. N’ayant pas l'âge d'être ordonné prêtre, il obtient une dispense du pape. Il est ordonné évêque en 1835, alors qu’il n’a pas encore 40 ans.
Sa devise « ad finem fortiter omnia suaviter » est tout un programme : Jusqu'au bout avec courage , mais tout en douceur .

En 1837 il succède à Cheverus à Bodeaux. Devenu primat d'Aquitaine, il « règne » sur 6 diocèses.
En 1840 il obtient la création de cours d'archéologie dans le cursus des prêtres, souhaitant la "conservation des Monuments historiques purs de toute souillure".
En 1852 il devient cardinal et sénateur.
Son action pastorale est immense. Se déplaçant sans cesse, on le voit toujours actif, en particulier dans les comices agricoles.
Il laisse 11 énormes volumes de discours.

2 anecdotes le placent à l'origine de 2 avancées vers le progrès :
en 1826, il tombe en catalepsie, on le croit mort et on célèbre ses funérailles. Ceci conduit en 1866 à la loi contre les inhumations prématurées (le croque-mort ...comme son nom l'indique devait faire une vérification active au niveau du gros orteil...)
en 1827 alors qu'il est curé, Villefranche-sur-Saône est en proie à de terribles inondations, suivies d'incendies meurtriers. L'abbé Donnet crée une compagnie de sapeurs pompiers.

 

 

 CONFERENCE DE MARC AGOSTINO/ LE CARDINAL DONNET*

Le cardinal Donnet, une figure mythique : François. Mauriac en parle dans ses souvenirs d'enfance. La réputation du « bon cardinal » était grande .Aujourd'hui on passe du temps de la mémoire au temps de l'histoire et on connaît surtout Donnet comme grand constructeur d'églises en Gironde. On parle volontiers d'églises et de clochers Donnet (les flèches).

Son tombeau se trouve dans la nef de Saint-André, en face du cardinal de Cheverus. L'habitude de nommer cardinal l'archevêque de Bordeaux remonte à Mgr Donnet, cardinal concordataire nommé en 1852.

Il est né en 1795 et nommé prêtre dans le diocèse de Lyon en 1819. Très actif, il est rapidement nommé curé de Villefranche-sur-Saône. Il lutte contre la pauvreté  et il est très présent lors des grandes inondations. C'est un prêtre très vigoureux et courageux. Il prêche le retour au christianisme et le renouveau spirituel. En 1835 il est nommé évêque coadjuteur à Nancy et en 1837 archevêque de Bordeaux.

Il succède à Mgr de Cheverus. Dans un premier temps il s'installe à l'archevêché (8 rue de Cheverus), puis dans hôtel de Nesmond  (17 rue Vital-Carle), ancienne résidence du duc de Richelieu (gouverneur de Guyenne) et actuel palais préfectoral. Mgr Donnet a été bonapartiste, puis républicain sceptique, royaliste sous le règne du roi Louis-Philippe et enfin très lié au Second Empire. Il est tout à la fois simple et fastueux ; en plus de sa résidence à l'archevêché, il réside dans une magnifique demeure à Mérignac (Foncastel, propriété de l'archevêché) et acquiert un chalet à Arcachon (boulevard de la plage). Pendant tout son épiscopat il occupera une place de tout premier choix à Bordeaux.   Pendant son épiscopat il a favorisé l'installation et le développement d'établissements religieux à Bordeaux, les ordinations sont nombreuses (30/35 prêtres par an), il installe le grand séminaire rue du Hamel (CROUS actuel).

Jusqu'à un âge avancé il est en très bon état physique. C'est un esprit curieux, il s'intéresse à tout, il est très moderniste. Mgr Donnet est un amoureux de l'architecture, par goût et il est compétent. Pendant son épiscopat il aura fait construire floraison d'églises (257), qui se signalent souvent par leur clocher (100) mais également quelques 300 presbytères. Il a un goût prononcé pour la construction des clochers et  répète « l'église, il faut la voir ! ». Si la plupart des constructions sont à la campagne, Bordeaux n'est pas oubliée (le Sacré-Cœur, Saint-Ferdinand). Il devient pour tous les bordelais « le » cardinal.

Il meurt en 1882, quelques mois après le décès de Mgr de la Bouillouses, évêque  coadjuteur de Bordeaux.

Il aura été le « grand cardinal de Bordeaux », sous la restauration et surtout sous le second empire «âge d'or de l'église catholique».   * A ce sujet lire «Deux siècles de catholicisme à Bordeaux 1800-2000» de Marc Agostino, Mollat 2001

 

 

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