Saint-Morillon, "du visible à l'introuvable"

 

*" Cultures et traditions locales : du visible à l'introuvable" :

par Anne Marie et Jean Claude Caron ; 1996 ;

 

téléchargez texte Saint Morillon

 

ci-dessus : photo aérienne par Montuzet (Helitech) ,

entre les arbres château Villa Bel Air (en partie classé), tableau de Pierre Gaston Rigaud (la commune en possède 7, don de la famille de ce peintre), l'horloge de la mairie (originalité : les dates qui y sont inscrites correspondent à la date de naissance 1875 d'un maire du début du XX ° siècle Honoré Zappa et la date ... de son mariage 5 juin 1906) ,

vierge nattée classée en l'église et façade de l'église Saint Maurille

SAINT-MORILLON s'étend sur une superficie de 2040 hectares (dont 1400 de forêt) son altitude est de 6m et sa population de 1083 habitants (en 1999).

Nous arrivons sur une place au fond de laquelle s'élève l'église, la mairie se trouve sur notre droite, nous remarquons sur son fronton deux dates inscrites : 1875 et 5 juin 1906.

En prenant la route en direction de Cabanac nous découvrons sur notre gauche après avoir traversé un petit pont de bois sur le Gât-Mort, un joli endroit planté d'arbres, tapissé de feuilles mortes et tout ensoleillé ce jour-là. On y trouve les restes assez imposants d'un moulin puis ce qui semble être les traces d'anciens fossés. Nous supposons que ce sont les restes du Moulin Le Luzié qui est une ancienne propriété de Montesquieu dont des vestiges assez importants étaient encore visibles il y a quelques années alors qu'aujourd'hui tout a pratiquement disparu, victime d'actes de vandalisme..

Il y avait autrefois trois moulins à Saint-Morillon, sur le Gât-Mort (qui provoquaient alors de nombreuses inondations), le Moulin du Carat, celui du Notaire et Le Luzier. Le Notaire n'indique pas la profession de son propriétaire, c'est le nom d'un lieu-dit quant au moulin Le Luzier il faisait partie d'une ancienne maison noble achetée en 1754 par Montesquieu qui possédait en outre une autre propriété au lieu-dit "Le Val Noir", achetée en 1746 ainsi qu'une métairie à Calente.

Une visite à la mairie est notre prochaine étape. La salle du Conseil Municipal est vaste et claire mais ce qui retient notre attention ce sont deux grands tableaux (approximativement 3m/2m) accrochés aux murs, l'un d'eux est immédiatement à droite de la porte d'entrée, il représente une scène religieuse du début du siècle, un prêtre accompagné d'enfants de chœur et suivi de quelques villageois se dirige vers l'église située au fond du tableau, cette œuvre est datée de 1911 et signée Rigaud. Le second tableau occupe le mur en face de l'entrée, du même Rigaud et daté de 1910 il représente une scène villageoise typique de cette époque : des villageois entourent une charrette remplie de citrouilles devant une croix de mission, une femme porte un bébé dans ses bras. Ces tableaux figuratifs sont d'une approche impressionniste, peints en couleurs rabattues par M. Rigaud qui passait l'année à Paris et descendait dans son village pendant les vacances, occupant ses loisirs à peindre. La croix de mission existe toujours, c'est celle qui se trouve au bord du Gât-Mort juste après le petit pont, il y a eu sept croix de mission ou calvaires recensés dans la commune, bien peu subsistent de nos jours ! Ce qui nous a le plus ému c'est d'avoir pu faire connaissance avec le bébé du tableau, madame Marie-Louise Cullerier, une charmante vieille dame que nous avons rencontrée au club du troisième âge "La Bruyère des Graves". Madame Cullerier nous a reçus très gentiment, ne nous tenant pas rigueur de l'avoir dérangée en pleine partie de loto. Née en 1909 elle avait juste un an quand le tableau a été peint et si elle n'a gardé aucun souvenir de cette scène elle n'a pas oublié M Rigaud : "Je me souviens de lui, un bel homme barbu" nous dit-elle. Des souvenirs elle en a beaucoup à raconter madame Cullerier ! Par exemple que c'est à Saint Morillon qu'a été entièrement tourné le film "Le Sagouin" en 1971, elle se rappelle notamment d'Henri Virlogeux creusant dans le cimetière, pour les besoins du film...

Saint-Morillon a eu l'honneur d'accueillir le tournage de quelques scènes d'un autre film célèbre, "Le Mystère Frontenac" tourné en grande partie à Saucats mais dont certaines scènes le furent au château Bel-Air (qui est classé Monument Historique) et dans l'église.

D'où vient le nom de Saint Morillon ? Rien ne semble permettre de croire à un dérivé de "more" ou "maure" souvenir d'une quelconque invasion arabe, on nous suggère plutôt le nom d'un cépage de raisins noirs poussant ici depuis la plus haute antiquité, même Ausone l'aurait célébré ! Saint-Maurille, patron de l'église, est un évêque de Cahors mort en 580. Personne non plus ne peut nous expliquer l'origine du nom de certains lieux-dits, le Notaire et surtout Le Maroc et la Judée mais avec ses deux derniers on peut au moins voyager à bon compte !

Saint-Morillon compte un établissement religieux, le couvent de Béthanie, une ancienne propriété agricole qui il y a quelques années suffisait à faire vivre la quinzaine de religieuses dominicaines qu'elle abrite. Aujourd'hui le couvent est aussi un centre d'hébergement et une Maison de repos, les sœurs se consacrent à des œuvres charitables et à l'insertion de malheureux.

Sur la place juste en face de l'église nous remarquons un original porche-pigeonnier qui donne abri à de nombreuses colombes.

L'église a, semble-t-il, été toujours entretenue. Cette église est très jolie, elle a conservé son caractère roman du XIIe siècle à abside octogonale demi-circulaire à l'intérieur, elle a été agrandie aux XIVe et XVe siècle par ajout de bas-côtés. Le clocher est un clocher-mur avec deux cloches apparentes. L'église, comme la plupart des églises de la région, est fermée et c'est à la mairie que nous demandons la clef pour la visiter, nous sommes restés environ trois-quarts d'heure dedans et pendant ce temps un jeune couple et son bébé puis un moment après trois petits garçons du village sont entrés à leur tour. Peut-être qu'ouvrir les églises quelques après-midis par semaine serait une bonne idée, cela permettrait de les aérer régulièrement et surtout aux gens de découvrir, ou redécouvrir, ce qui est une part de leur patrimoine ? Le porche de celle de Saint-Morillon date du XIVe siècle, à droite il y a une pierre tombale, celle de "Simon de Brassens, curé de Saint-Morillon, restaurateur de l'église", une date : "5 juin MDCCCXXII "(1822). Sur la gauche il y a une autre pierre tombale identique à la première mais l'inscription est illisible, à peine discernables les mots "décédé" et "ci-gît". L'historique affiché à la porte nous apprend que c'est le frère du curé Brassens, chevalier de Saint Denis, qui repose là. Dès notre entrée notre regard est attiré vers la gauche par deux grands tableaux, le premier représente "l'Apothéose de Saint Maurille", peint par Fournier d'après une œuvre de Le Brun, le second tableau nous le reconnaissons aussitôt, daté de 1903-1904 il est signé Rigaud et ressemble à celui de la mairie représentant la scène religieuse à cette différence que la procession à l'air de revenir de l'église au lieu de se diriger vers elle. Il est regrettable que le tableau "L'apothéose de Saint Maurille" soit en si mauvais état, en effet il est troué et c'est dommage... Nous admirons une magnifique Vierge à l'Enfant en bois doré, vraisemblablement du XVe siècle, elle est vraiment très belle, la Vierge porte une coiffure un peu inhabituelle, ni couronne ni voile, simplement ses cheveux nattés autour de la tête. Il s'agit d'une des plus anciennes statues du diocèse. L'autel principal est d'époque Louis XV. L'autel du bas-côté de droite est dédié à Saint Roch, cet autel baroque italien date de 1828 mais le retable doré, signé Fournier le peintre de "l'Apothéose", est du XVIIIe siècle et un tableau, daté de 1722 et signé Sibon, représente un très beau Saint-Roch accompagné du chien tenant le pain dans sa gueule. Sur la gauche du tableau on peut voir les armoiries du donateur avec la devise " Vis in Cruce ". Ce tableau a été restauré par les Beaux-Arts en 1975. A droite de l'autel il y a une statue du même Saint, le chien est là identifiant St Roch mais la présence des coquilles de Compostelle font penser à St Jacques. Nous relevons un détail amusant : Sur le tableau le Saint porte une blessure à la cuisse droite, sur la statue c'est au genou gauche... Saint Roch est décidément à l'honneur à Saint Morillon car sur le mur de droite un sous-verre abrite la bannière de la Confrérie de Saint Roch qui a été fondée pendant les épidémies de peste de 1547. Sur ce même mur mais tout au fond de l'église se trouve les armoiries de la famille de La Litre de Montesquieu, seigneur de Saint-Morillon. Ces armoiries sont en très mauvais état et illisibles. Nous arrivons à peine à discerner deux coquilles et un croissant de lune. Enfin derrière la porte d'entrée, à droite en entrant, une petite cache dont les portes en bois portent des armoiries eucharistiques, on distingue en effet des rosaces, un calice avec l'hostie, cela abritait autrefois la Sainte Réserve quand il n'y avait pas de tabernacle.

Saint-Morillon est un petit village rural, tranquille et simple qui a tendance à devenir, au grand regret de certains habitants un village-dortoir. Toutefois nous notons la présence de commerces, pharmacie, bar-restaurant, d'une belle salle des fêtes, l'école maternelle et primaire regroupe une centaine d'élèves et la fête du village qui avait lieu traditionnellement le deuxième dimanche de septembre sera de nouveau célébrée car le Comité des Fêtes est en cours de reconstitution. Nous avons signalé un actif club du troisième âge "La Bruyère des Graves" qui organise des repas, des lotos, des voyages, il y a aussi une association culturelle, "La Grapouille", nous n'avons pas pu rencontrer son président qui était en réunion ce jour-là.

La commune de Saint-Morillon a un projet, ouvrir peut-être des chemins de randonnées, elle n'a d'autres ambitions que de "rester... tout simplement rural et tranquille".

(Nous avons consulté le livre "Les Secondat de Montesquieu" de J.M. Eylaud) A.M. et J.C. CARON

 

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