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Le château de Mongenan à Portets (Gironde) présente actuellement une exposition pour célébrer le 30° anniversaire de son ouverture. Il s'agit d'une série de reliures effectuées durant les Années Folles par sa propriétaire, Suzanne Faivre-Mangou, qui fut une des deux seules élèves du grand décorateur Pierre Legrain. Ces ouvrages précieux, sur papier de Chine ou du Japon, illustrés par les plus grands artistes, constituent un témoignage étonnant sur la créativité de la première moitié du XX° siècle.
Fille d’un pasteur de l’ Eglise Réformée dont le Nouveau Testament annoté fut traduit en dix-sept langues, adoptée par son oncle, grand négociant en vins bordelais, Suzanne Faivre-Mangou (1910- 2005) aurait pu se contenter d’avoir la jeunesse rangée des jeunes filles de bonne famille en attente d’époux. Ses talents multiples la poussèrent à jouer du piano en virtuose, à suivre les cours de chant de Gabrielle Bert, de l’Opéra, et à devenir une des deux seules élèves d’un des maîtres du « Modern Style », Pierre Legrain (1889-1929). C’est auprès de cet immense artiste qu’elle pu exercer son talent pour la reliure d’art, matière dans laquelle elle s’égala aux plus grands avant que la survenue de la 2° Guerre Mondiale et les restrictions de cuirs et de métaux précieux qu’elle engendra ne mette un terme à cette forme artistique aussi raffinée qu’onéreuse.
Pierre Legrain avait été connu au début du XX° siècle comme dessinateur de reliures avant de devenir le collaborateur du décorateur Pierre Irribe pour l’aménagement de l’appartement du couturier Jacques Doucet. C’est dans ce contexte qu’il devint l’ami de Picasso, Derain et Brancusi et se familiarisa avec l’art africain et le cubisme. Indépendant, ne reculant devant aucune expérience comme celle du piano de verre, ou celle des fauteuils d’ébène ou de palmier, recouverts de toile cirée, nacre ou métal, Pierre Legrain travaille avec René Kieffer, un des relieurs les plus en vue de l’époque pour de nombreux bibliophiles. Pierre Chareau, Robert Mallet-Stevens, Rulhman, Jean Puiforcat et le couturier Paul Poiret composèrent avec lui ce qu’il appelait « son stand collectif » qui oeuvrera pour tous les grands noms de l’époque, en particulier Maurice Martin du Gard et Anna de Noailles dont les appartements conservés témoignent de la hardiesse de l’art des années folles.
Ayant abandonné au milieu des années 50 la culture pour l’agriculture, Suzanne Faivre-Mangou se révéla cependant pionnière dans la défense et l’illustration du patrimoine dès 1983, date à laquelle elle choisit de faire classer le château de Mongenan et d’ouvrir ses collections au public. Loin de considérer l’histoire et le patrimoine comme l’image dévote du passé, elle s’employa à faire vivre le monument et ses jardins en organisant sans relâche des manifestations artistiques qui permirent aux plus grands artistes de venir à Mongenan.
C’est ainsi que le pianiste Alexis Weissenberg, les compositeurs Henri Sauguet et Marcel Landowski, les chefs d’orchestres Georges Sébastian, Michel Plasson et Alain Lombard, devinrent familiers de la terre des Graves au même titre que le Prince Meidhi Boucheiri- Palhevi ou la Comtesse de Paris.
Sans avoir jamais reçu la moindre subvention, ni d’investissement, ni de fonctionnement, le château de Mongenan a organisé depuis son ouverture des expositions prestigieuses en liaison avec les institutions les plus fameuses : Centre Georges Pompidou, château de Versailles, Musée de l’histoire de la médecine de Lyon, Musée de la Compagnie des Indes de Lorient, Musée des Arts décoratifs de Bordeaux, Musée d’Aquitaine, Muséum d’histoire naturelle de Paris. Il demeure l’unique monument historique privé d’Aquitaine à proposer à ses visiteurs un programme d’animations suivies sur 50 semaines par an et à être ouvert au public 360 jours par an. Cette volonté d’apporter la culture cultivée au plus grand nombre, de mettre les beautés de l’art à la portée de chacun, relèvent de la volonté exprimée par Suzanne Faivre-Mangou, viticultrice, relieuse, soprano, vinificatrice, pianiste, botaniste et aussi virtuose au volant d’un tracteur qu’elle l’était devant le clavier d’un Steinway ou d’un Cavaillé-Coll .
L'exposition est ouverte au public tous les jours de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h. Son accès est compris dans le prix global de la visite: 10 € pour les individuels, 8 € pour les groupes de plus de 10 personnes, gratuit pour les enfants jusqu'à 12 ans.
Catalogue des ouvrages présentés:
Charles Baudelaire
« La Fanfarlo »,
avec neuf dessins de Baudelaire
Editions de la Sirène, Paris 1918
Exemplaire sur Vélin de Hollande n° 10
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Le roman de Tristan et Yseut
renouvelé par Joseph Bédier
de l’Académie française
Editions d’art, Paris,1926
Henri de Régnier
« Les jeux rustiques et divins »
Mercure de France, Paris, 1923
Exemplaire sur papier pur fil Lafuma n° 821
William Shakespeare
« Le songe d’une nuit d’été»
Illustré par Arthur Racham
Librairie Hachette, Paris, 1909
L’Abbé Prévost
« Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut »
« Mémoire d’un homme de qualité »
ornée de 15 figures aquarellées de René Lelong
Javal et Bourdeaux, Paris, 1927
Exemplaire du vélin teinté d’Arches n° 301
Jonathan Swift
« Voyages de Gulliver dans les contrées lointaines »
Illustrations de Jacques Boullaire
Editions de la Pléïade, Paris, 1929
Exemplaire sur vélin du Marais n° 511
Albert Guillaume
« Madame veut rire »
contenant 100 dessins
H.Simonis Empis, éditeur, Paris, 1902
Exemplaire sur papier de Chine n° 24
Maurice Vaucaire
« Vingt masques »
Dessins de Louis Morin
A.Rouquette, Paris
Exemplaire sur papier du Japon n° 74
Théophile Gautier
« Emaux et camées »
Suite de 46 poèmes illustrés en couleur par Pierre Rousseau
Maurice Glomeau, Paris, 1928
Exemplaire sur papier pur chiffon du Marais
« Les petites fleurs de Saint François d’Assise »
traduites par A.F. Ozanan, ornées de bois gravés
de Constant le Breton
La tour d’ivoire, Paris 1928
Exemplaire sur vergé à la forme de Montgolfier d’Annonay n° 789
Oscar Wilde
« Ballade de la geôle de Reading »
traduite et préfacée par Henry-D. Dauray
et ornée de bois originaux de Daragnès
Louis Pichon, Paris, 1918
exemplaire sur Japon de la Manufacture impériale n° 180
Aristophane
« Lysistrata »
Traduction de Raoul Vèze
Illustrée de dessins aquarellés de Carègle
Le livre du bibliophile, Georges Briffaut, Paris 1928
Exemplaire sur Vélin d’Arches n° 455
Francis Carco
« L’homme traqué »
Grand Prix du roman de l’Académie française 1922
orné d’eaux fortes par André Digrimont
Les arts du livre, Paris 1925
exemplaire sur Rives n°184
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Roland Dorgelès, de l’Académie Goncourt
« Les croix de bois »
Editions ne varietur avec 18 gravures sur bois de Paul Vigoureux
Hachette Paris, 1930
Exemplaire sur vélin du Marais filigrané « à la plume »
Paul Delmet
« Chansons de Montmartre »
Lithographies de Steinlen
Exemplaire sur papier de Hollande n° 54
Raymond Rollinat
« La vie des reptiles de la France centrale »
ornée de 11 planches en quadrichromie et de 24 planches en héliogravure
Delagrave, Paris, 1934
William Shakespeare
« Hamlet », drame en cinq actes
Illustré de bois et eaux-fortes de Georges Bruyer
Aug.Blaizot et René Kieffer, éditeurs, Paris, 1913
Exemplaire contenant un état des eaux-fortes n° 85