*" Cultures et traditions locales : du visible à l'introuvable" :
par Anne Marie et Jean Claude Caron; 1996;
"Quand les légendes meurent, meurent aussi les rêves et sans rêves il n'y a plus de grandeur" H. Borlan. téléchargez texte Cabanac et Villagrains ci-dessus, photo aérienne par Montuzet (Helitech , les 2 églises de Cabanac et Villagrains,le lavoir de Cabanac (utilisé encore jusqu'en 2006 par une Cabanacaise pour rinçage du linge à l'eau claire) et la pinède ;
CABANAC-et-VILLAGRAINS : une commune, deux agglomérations séparées par 6km, une seule mairie se trouvant à Cabanac. Cette commune est parfois désignée sous le seul nom de Cabanac, ce qui peut sembler injuste pour Villagrains. Les premières questions que nous nous posons sont celles-ci, s'agit-il bien de deux communes à l'origine distinctes et réunies pour une raison particulière, laquelle et quand ? Adolphe JOANNE, en 1882 dans sa "Géographie de la Gironde", nous indique simplement : "Cabanac, 893 hab. Mottes où Tombelles". Superficie 6899 hectares - Altitude 48m - Population 1436 habitants (recensement de 1999). Renseignements pris sur le terrain au sujet de l'origine de la commune, nous obtenons deux versions différentes : soit deux communes qui furent réunies en une seule en 1789, nous dit-on à la mairie, le vieux bourg de Villagrains étant situé à mi-chemin des deux agglomérations, il en reste aujourd'hui une seule maison. Un habitant de la commune nous fait part d'une autre tradition : il y aurait eu une seule commune, sise à l'emplacement du vieux bourg actuel, Cabanac comme Villagrains n'auraient été que des quartiers de ce premier village qui fut isolé lors de la construction de la route et peu à peu vidé de ses habitants qui lui préférèrent les quartiers mieux desservis. Nous n'en savons pas plus, n'ayant pu prendre connaissance de documents officiels, s'il en existe.
L'histoire de Cabanac semble un peu floue dans l'esprit des personnes que nous rencontrons. Un nom se détache, celui de la seigneurie de Ségur, cette famille (oui, il s'agit de la même famille que celle de la comtesse "née Rostopchine", voir rectificatif en mai 2015 par JP Méric , fin de paragraphe)possédait bien un château à Cabanac au 16e siècle. Si la famille existe encore de nos jours, ses descendants résidant à Innsbruck en Autriche, il ne reste rien de leur ancien château, même pas des vestiges, nous affirme-on à la mairie ; en tous cas nous n'avons rien pu voir car une usine de bois en occupe le site, elle est surnommée "le château" par les habitants, il s'agit des établissements CLUZANT. (remarque SIGM 2008 : c'est aujourd'hui une usine desaffectée).
Maison de Ségur-Cabanac : ne plus écrire ou laisser entendre que la comtesse de Ségur était "parente" des Ségur-Cabanac. Elle n'a rien à voir avec la branche des Cabanac, et n'est que cousine au 10ème degré du dernier comte décédé en 1848. ... Et elle n'est jamais venue à Cabanac, bien sûr. MERIC Jean-Pierre
Des MOTTES sont bien visibles depuis la route, se sont deux tertres, deux monticules herbeux situés à assez courte distance l'un de l'autre, rien n'indique une station préhistorique ou n'évoque une quelconque forteresse. Ces mottes se trouvant sur une propriété privée nous avons frappé à la porte et nous avons été très gentiment reçus, non seulement la propriétaire accepta de répondre à nos questions mais nous avons eu la chance que Monsieur le Sacristain, passionné par les traditions de son village, soit aussi présent. Nous avons appris que des fouilles avaient été effectuées à la fin du siècle dernier ou au tout début de ce siècle-ci et qu'elles n'avaient pas apportées grand-chose, seulement quelques fragments de poteries sans signification particulière ni datation précise. Quelques pièces de monnaies auraient été trouvées autrefois dans les terres alentour, peut-être de l'époque de Philippe-Le-Bel, croit se souvenir Madame la Propriétaire qui ne sait pas ce qu'elles sont devenues et nous dit, en confidence, que sa fille a fait des recherches à ce sujet à la Bibliothèque de Bordeaux et qu'elle n'a rien trouvé d'intéressant. La tradition est plus riche que l'histoire, hélas elle sombre dans l'oubli ! Voici ce que nous en avons recueilli au sujet des Mottes : ces Mottes seraient le TOMBEAU D'UN GENERAL ROMAIN enterré avec toutes ses armes. Là nous sommes obligés de nous souvenir qu'au siècle dernier Joanne, dans son guide, parle de Mottes ou Tombelles. Une autre hypothèse fait de ces Mottes ce qui reste de deux TOURS DE GUET, car "la route du Sud, pour le Pays Basque, passait juste là où vous voyez ces arbres" explique notre informatrice en agitant la main en direction d'un rideau d'arbres, derrière sa propriété.Il nous reste ce que la tradition a de plus riche souvent, la Légende. Sachez donc qu'un VEAU D'OR est caché sous ses Mottes depuis des temps immémoriaux et qu'une source, appelée LA FONTAINE AUX FEES, jaillissait entre les deux mottes. La source est tarie aujourd'hui.Qu'en est il de ces Mottes exactement ? Nous avons des tumulus, une source, des fées, de l'or, légende sans doute très ancienne, peut-être serait-il intéressant de refaire des fouilles aujourd'hui, la mise à jour de vestiges éclairant le passé du village n'est pas exclue et cela enrichirait le patrimoine communal. Quoi qu'il en soit il faut conserver la légende et si possible en retrouver l'origine sinon elle finira par disparaître des mémoires. "Quand les légendes meurent, meurent aussi les rêves et sans rêves il n'y a plus de grandeur" H. Borlan.
L'EGLISE est située sur une petite motte au coeur du village, elle surplombe le lavoir qui est alimenté par une source d'eau potable où beaucoup de personnes viennent encore se ravitailler en eau car elle est, paraît-il, fraîche et légère. Il y a d'ailleurs beaucoup de sources autour de Cabanac, certaines ferrugineuses nous affirme-t-on. Cet ensemble lavoir et église est très plaisant au regard. Si le clocher et le devant de l'église datent du 19e siècle, l'arrière semble beaucoup plus ancien, le chevet de style roman est orné de très belles sculptures et les chapiteaux des colonnes sont remarquables. Cette partie de l'église aurait été construite avec les pierres récupérées de l'ancienne église du vieux bourg de Villagrains (mais à la mairie on nous dit qu'il n'existe aucune preuve qu'il y ait eu une église au vieux bourg, malgré les recherches entreprises). De nos jours cet édifice a subi une importante restauration, du clocher notamment, une plaque apposée à droite du portail d'entrée nous donne des précisions, elle a été restaurée en juin 1990, par l'architecte MORIN, Monsieur ATTANE étant maire. L'entrée du transept droit donne un aspect plus ancien, l'intérêt architectural du bâtiment est indéniable.Une personne possédant les clefs nous fait visiter avec beaucoup d'amabilité. L'intérieur est propre, bien entretenu, tout blanc, au sol un carrelage ancien rouge et blanc, il s'agit de carrelage de Gironde (remarque SIGM : Gironde est un village où se fabriquait ce genre de carreaux, posés ensuite sur lit de sable ). L'escalier de bois du clocher a été entièrement refait à neuf, par contre des boiseries anciennes subsistent dans la sacristie, très belles mais malheureusement bien vermoulues. "Elles ont pourtant été traitées récemment" regrette notre guide qui nous fait remarquer la porte de la sacristie, en bon état, avec ses sept centimètres d'épaisseur et ses vieilles ferrures.
Le Chemin de croix est remarquable, il s'agit d'une huile sur toile datant du 19 e siècle, "C'est de l'époque de Napoléon" précise fièrement la gardienne. Il est vraiment dommage que certains panneaux soient si abîmés qu'il semble difficile de pouvoir les restaurer. Ces panneaux sont signés : "ALCAN à Paris Propriété".
Les vitraux sont magnifiques, quatre d'entre eux sont signés J. VILLIET et sont un don du Marquis de LUR-SALUCES, datés de 1867. L'un d'eux, à droite de l'autel, représente une scène de chasse, un Saint Hubert aux merveilleuses couleurs. Nous remarquons dans la petite chapelle de gauche une plaque à la mémoire de Monsieur P. BOMPANT, décédé en 1831, "bienfaiteur des pauvres", qui fit des dons pour réparer l'église et construire le Maître-Autel.
Une sculpture représentant Saint Martin, auquel l'église est dédiée, figure sur une voûte près de l'entrée, sur une autre la date de la restauration, 1866. En sortant notre guide nous désigne une maison derrière l'église comme étant l'ancien presbytère et nous signale que sa propre demeure à gauche, était autrefois une école religieuse tenue par les soeurs de la "Doctrine Chrétienne" qui vivaient là. Les deux bâtiments n'ont aucun caractère particulier.
Les MOULINS situés sur le Gat-Mort, dont un aujourd'hui est rénové, sont des propriétés privées non visibles depuis les voies publiques.
En nous promenant dans le bourg nous découvrons une ancienne GARE maintenant maison particulière, c'était la gare de la "Ligne économique des Landes de Beautiran à Hostens". A droite de la mairie en entrant, une caserne de pompiers. Cabanac-et-Villagrains est situé au milieu des bois, ce qui lui donne tant de charme et de si agréables promenades mais aussi peut être une grande menace.
Une habitante nous parle du terrible incendie de 1922 dans lequel une partie du village avait brûlé, où des familles, dont la sienne, ont tout perdu, leurs maisons entièrement détruites pendant qu'elles participaient à la lutte contre le feu en faisant la chaîne un peu plus loin et puis aussi l'incendie de 1949 est resté dans bien des mémoires et nous rappele que le danger est permanent. Malgré tout c'est le bois, ressource économique principale, qui assure la prospérité de Cabanac-et-Villagrains. Dès que nous sommes entrés dans le village nous avons été assaillis par une très bonne odeur de bois, ce qui est particulièrement agréable, deux usines importantes se signalent, les établissements CLUZANT spécialisés dans la fabrication de parquets et lambris (n'existe plus en 2008, remarque SIGM) et l'usine GOUJON qui est une caisserie à vins.
Si nous n'avons rien pu apprendre sur l'origine du nom de Cabanac nous savons que le nom de VILLAGRAINS vient du fait qu'autrefois s'y tenait de nombreuses et importantes Foires aux Grains. C'est donc vers cette VILLE-à-GRAINS que nous nous dirigeons maintenant, à 6 km de là. L'agglomération est beaucoup plus petite que celle de Cabanac, il y a seulement 150 habitants (en 1994) d'après la mairie (et 250 d'après un Conseiller Municipal de Villagrains), on y voit une grande place qui donne à penser qu'il s'agit de l'ancienne "aire à grains" mais il ne s'agit en fait que d'un aménagement qui servait à la voie ferrée et aux aiguillages lorsque la ligne Beautiran-Hostens était en service. Nous y voyons d'ailleurs l'ancienne Gare, les deux bourgs possédaient en effet chacun leur gare et nous verrons que ce n'est pas la seule chose qu'ils ont en double. Cette gare et son terrain appartiennent au Département mais la commune en est locataire pour 30 ans et y a construit un tennis.
Villagrains a sa propre fête locale pour la Saint-Jean et elle a toujours lieu à cette date. Il y a quelques jolies maisons à Villagrains mais le seul bâtiment intéressant est l'église qui est dédiée à Saint Jean. Cette église est petite mais très jolie, de construction assez récente, son plafond présente l'originalité d'être tout en lambris, l'intérieur est très simple, un joli vitrail rond au-dessus de l'autel représentant Saint Jean, le même carrelage rouge et blanc qu'à Cabanac. A droite de l'entrée contre le mur on remarque une belle sculpture en pierre, une "Piéta" qui semble ancienne, ainsi qu'un bénitier également en pierre de même époque apparemment, la Piéta est assez abîmée. A ce sujet, on nous a dit à Cabanac que cette statuette, malgré les apparences, datait du 19e siècle alors qu'un conseiller municipal de Villagrains nous affirma qu'elle était ancienne, comme le bénitier,récupérée de l'église du vieux bourg, ainsi que la cloche du 16e. Nous pouvons dire en tout cas, et quel que soit son âge, que c'est une pièce intéressante et que la petite église de Villagrains mérite une visite.
Cabanac-et-Villagrains un seul "vieux" bourg éclaté ou deux communes réunies ? Ce sont aujourd'hui deux villages unis "pour le meilleur et le pire" qui veulent garder chacun leur originalité propre et cette dualité, unique en Gironde, ne facilite pas la gérance de la commune car tous les frais et tous les investissements sont doubles. Il y a deux églises à restaurer, deux écoles (aujourd'hui quand même la maternelle est d'un côté, la primaire de l'autre), deux salles des fêtes a entretenir, deux monuments aux morts qui ont droit chacun à leurs propres commémorations le 11 Novembre et tout est à l'avenant, tout est en double, les habitants n'accepteraient pas qu'il en soit autrement, ils se sentiraient lésés. Il y a bien entendu une seule mairie puisqu'il y a une seule commune mais il y a deux bureaux de vote et deux listes distinctes, sur 15 conseillers 12 sont élus à Cabanac et 3 à Villagrains, ce qui est proportionnel au nombre des habitants.Tout cela fonctionne très bien dans le respect strict des coutumes, n'allez pas croire que les habitants vivent à couteaux tirés, les villages sont très paisibles et ne voudraient pour rien au monde envisager une séparation, simplement aucun des deux ne veut perdre ses racines et c'est très bien comme ça. Cette "rivalité" ajoute à leur charme et n'enlève rien à l'amabilité des habitants, que ce soit à Cabanac ou à Villagrains nous avons été très bien reçus. Pour finir nous citerons Madame la Secrétaire de Mairie (au fait est-elle de Cabanac ou de Villagrains ? ) à qui nous avons demandé quelle était l'ambition de la commune pour l'avenir et qui nous a répondu en souriant:
" Mais, continuer à restaurer notre patrimoine" !